Retour à la catégorie Fish and News

Interview de Benoit – Responsable des Moulinets chez Caperlan

Fish and News
 | 
L'équipe Fish and Test

En Septembre 2022, nous avons été invités par les équipes de Caperlan pour l’inauguration de leur nouveau centre de conception à côté de Bordeaux ! Vous pouvez retrouver notre aventure sous format VLOG ICI

On en a profité pour rencontrer les équipes de conception côté carnassiers et carpe comme Julien, Thomas ou encore Romain pour parler des produits et de tout ce qu’il faut savoir.

Aujourd’hui on vous propose l’interview de Benoît Pouydesseau, Leader de l’équipe moulinets chez Caperlan.. On vous prévient, vous allez apprendre plein de choses.

Vous pouvez aussi retrouver l’interview de Benoit en vidéo 🙂

Interview de Benoit

Fred : Benoît, est-ce que tu peux te présenter à nos lecteurs ?

Benoit : Bien sûr, donc je suis Benoît, j’ai 38 ans, je suis ingénieur mécanique de formation, et je suis arrivé au sein de Décathlon, et de Caperlan en particulier il y a 14 ans. Déjà passionné de pêche, ça fait maintenant 14 ans que je conçois des moulinets de pêche.

Fred : Et donc aujourd’hui tu es le leader des moulinets. Ça consiste en quoi alors ?

Benoit : Oui, leader d’une équipe qui s’occupe de la conception des moulinets. Il y a plusieurs métiers au sein de cette équipe. On va du design au tout début, on sketch la forme et le dessin des moulinets, puis on a des designers numériques qui les passent en 3D, qui font la 3D surfacique du moulinet. Ensuite on a des ingénieurs produits et des ingénieurs mécanique qui vont faire le moteur du moulinet, qui vont mettre des épaisseurs sur toutes ces 3D.  Et après on va les développer, les prototyper et les tester au sein de notre labo. Nous avons des ingénieurs essais également au sein de cette équipe là.

Fred : D’accord, et est-ce que tu peux nous présenter brièvement la différence fondamentale qu’il y’a entre un moulinet casting et spinning ?

Benoit : Alors il y a pas de bons et de mauvais moulinets. En fait c’est vraiment par rapport à ce qu’on a envie et besoin de faire par rapport à la pêche. Le gros avantage du moulinet casting c’est qu’on va avoir un moulinet qui va permettre de contrôler la ligne avec le doigt. Donc de pouvoir faire des déposes de leurres beaucoup plus souples et précises, chose qu’on ne peut pas faire avec un moulinet spinning. Deuxième avantage du moulinet casting : on va être rapidement en action, on va pouvoir libérer le fil de façon très rapide. Il suffit d’appuyer sur un bouton et de réenclencher la manivelle. On peut faire ça de façon très rapide et là encore, sur un moulinet spinning, il faut ouvrir le pick-up, lâcher le fil, remettre le fil, refermer le pick-up. Donc on va être typiquement sur des pêches au leurre ou des pêches où on va avoir besoin de faire des lancers sous la frondaison des arbres etc.. Par contre, il a quelques désavantages. C’est-à-dire qu’on est obligé d’accorder son moulinet, en tout cas les réglages de son moulinet, par rapport au poids de son leurre. Alors que sur le moulinet spinning, on peut lancer n’importe quel poids de leurre du plus faible au plus lourd, on ne va pas avoir besoin de toucher son frein ou d’avoir un moulinet spécifique par rapport au poids de son leurre. Donc c’est ça les deux grosses différences qui existent entre moulinets spinning & casting 

Fred : Il y a un rapport de puissance / résistance ?

Benoit : Alors oui. Mais de façon structurelle un moulinet casting va être plus solide dans la façon dont il est construit, il va être plus rigide : sa construction va être plus rigide. Un moulinet spinning on le voit de suite, il y a beaucoup d’éléments qui sont un peu dans le vide et effectivement quand on va appliquer des efforts, ça peut se tordre et ça peut venir à se toucher. Donc structurellement, un moulinet casting va être plus solide. Malgré tout, un moulinet casting va demander une mécanique de précision plus importante qu’un moulinet spinning. Ça va être aussi une horlogerie plus fine et donc un moulinet où on va devoir être plus précautionneux, demander plus d’entretien.

Fred : Et vous, comment déterminez- vous les critères fondamentaux pour l’utilisation d’un moulinet ?

Benoit : Avant même de concevoir le moulinet, avant même de faire le premier coup de crayon, on va demander au chef de produit de noter 8 avantages produits. Et grâce à la définition de ces 8 avantages produits, le moulinet est quasiment conçu à 98 %. Donc on peut faire aussi l’analogie dans l’usage et dans ces 8 avantages produits. On a la résistance, du moulinet, la puissance du moulinet, qui va se traduire par la puissance du frein notamment. Mais on verra qu’une puissance de frein sans adapter tout le reste du mécanisme, ça sert un peu à rien. On va avoir la douceur de rotation, la résistance à la corrosion, la vitesse de récupération, la distance de lancer et la capacité à treuiller. Une fois qu’on a déterminé tout ça, le moulinet est conçu à 98%. En fait, en usage, on peut aussi se poser les mêmes questions, pour savoir de quel moulinet on a besoin. C’est-à-dire, est-ce que j’ai besoin de résistance ? Ça, ça va m’orienter vers différents matériaux. Est-ce que j’ai besoin de puissance ? Ça va m’aider à choisir une force de frein. Est-ce que j’ai besoin de distance avant de m’orienter vers une forme de moulinet ? Est-ce que j’ai besoin de résistance à la corrosion ? Ça peut m’arrêter vers des matériaux plus inox et des moulinets étanches donc c’est comme ça qu’on choisit et qu’on définit la conception de nos moulinets : qui est assez proche en fait de l’usage et de la façon dont on pourrait choisir son moulinet en tant que pêcheur.

Fred :  Un genre de cahier des charges ?

Benoit : Exactement, et ça nous fige la conception en fonction de l’usage.

Fred : Tu nous as parlé de frein. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu comment fonctionne le frein parce qu’ on l’utilise très souvent, mais on ne sait pas toujours comment il fonctionne?

Benoit : Parce qu’on aurait plein de choses à dire. Il y a plein de paramètres super importants pour le frein et il ne faut pas s’arrêter à la force maximale du frein. Ça, c’est exactement c’est ce qui est marketé à fond et malgré tout, la première des choses, et je vais prendre un exemple, c’est que même si votre frein est un frein qui fait 20 kg et qu’il atteint réellement 20 kg, il faut quand même regarder si la structure du moulinet peut supporter 20 kg. En fait, quand on va tirer sur le fil, le moulinet va se déformer, le galet va se rapprocher de la bobine, l’axe de la bobine va se rapprocher du galet et il va arriver à un moment où les pièces vont rentrer en contact. Bien avant souvent les 20 kilos énoncés de la force du frein du moulinet. Donc en fait, la force du frein n’est pas quelque chose qui dit la vérité absolue sur le moulinet. Il faut qu’il soit bien conçu dans son ensemble pour pouvoir supporter une force maximale de frein. Et une chose très importante aussi c’est la linéarité du frein. Si le frein arrive à 20 kg, mais saccade à mort, bon ben là on a perdu le poisson. Ce qu’il faut bien regarder ce n’est pas tellement la capacité maximale du frein, mais c’est la capacité maximale du frein dans l’usage. C’est-à-dire, quand est ce que les pièces vont rentrer en contact? Quand est-ce que la bobine va commencer à avoir une linéarité qui est mauvaise ? Etc etc. Le frein c’est un atout majeur parce que c’est grâce à ça quand on ne perd pas le poisson, mais c’est plein de paramètres qui sont à construire. 


Fred : Tous les freins ne se valent pas ?


Benoit : Non, tous les freins ne se valent pas. Il ne faut pas se limiter au frein maximum revendiqué. Il faut regarder si son rotor est structurellement assez costaud et l’axe assez costaud pour pouvoir supporter la force du frein et venir voir si on a quelque chose de linéaire quand on fait tourner la bobine en fonction du serrage du frein si on sent que ça bloque.

Fred : D’accord. Et quand on prend un moulinet, on aime bien le faire tourner. On se concentre tout de suite sur la fluidité. Cette fluidité, ça vient en grande partie des roulements ?

Benoit : Alors oui, mais pas que. C’est sûr que la fonction première d’un roulement, par rapport à un palier lisse, donc un palier lisse en gros c’est la même chose qu’un roulement, mais qui ne tourne pas. Donc ça a l’avantage d’être beaucoup plus robuste qu’un roulement, mais par contre on va créer des frottements et donc des efforts nécessaires supplémentaires pour faire tourner le moulinet. Les roulements ont pour fonction de venir diminuer la somme de ces efforts et donc d’avoir quelque chose de plus fluide, de limiter les efforts résistifs à l’intérieur du moulinet. Malgré tout, c’est moins solide qu’un palier lisse c’est-à-dire qu’un roulement, dans le temps, va être soumis à de l’usure, il va être soumis à la corrosion. Donc c’est très important d’avoir des roulements de qualité. Il y a différents grades de roulements qui peuvent résister à la corrosion et qui peuvent dans le temps avoir toujours la même fluidité et la même douceur de rotation. 

Fred : Comme on le dit souvent, il vaut mieux peu de roulements de bonne qualité à beaucoup de roulements…

Benoit : Exactement, si on recherche de la résistance, et c’est pour ça j’en reviens toujours aux avantages produits du départ. Si dans votre recherche, la résistance est bien supérieure à la douceur de rotation, il vaut mieux privilégier finalement un moulinet qui a moins de roulements, parce qu’il va être intrinsèquement mécaniquement plus résistant, qu’un moulinet avec plein de roulements.

Fred : Et du coup tout à l’heure, tu nous disais que le frein va venir tirer sur l’axe avec le galet et donc cet axe est très important ?

Benoit : Exactement l’axe est dimensionnant. Il y a dans la force du frein trois choses qui sont dimensionnantes. La force des disques : effectivement, si les disques ne sont pas assez puissants dès le départ pour pouvoir avoir un frein de 20 kg, on y arrivera jamais. C’est comme si on voulait aller à 150 km/h avec une voiture. Si on a 20 chevaux, bon ben déjà ça ne marchera pas. Par contre même si on a 150 chevaux, mais qu’on a un mauvais châssis, on n’y arrivera pas non plus. Donc là, ce qui va se passer, ce qu’il faut regarder, c’est l’axe. Et notamment la matière, mais aussi le diamètre de l’axe pour voir s’il est assez résistant et si quand on va tirer sur le fil cet effort qui va s’exercer de cette manière-là, le mécanisme est assez rigide pour toujours avoir la bobine éloignée du rotor. Que le frein puisse toujours s’exercer sans aucun contact. Donc la taille de l’axe est très importante, encore une fois. Résistance OK ben je fais attention au diamètre de mon axe, qu’il soit suffisamment dimensionné pour ne pas que mon moulinet fasse un peu chewing-gum.

Fred : OK, et puis sinon dans les boîtes de moulinet on reçoit avec, un petit sachet de rondelles. Est-ce que tu peux nous expliquer à quoi servent ces rondelles ?

Benoit : Ah les fameuses rondelles de calage sous la bobine. Ces rondelles servent à ajuster la hauteur de la bobine relativement à la hauteur du galet. On sait que le fil arrive ici, il passe sous le galet, il va sur la bobine exactement pour caler l’oscillation. Donc en fait, on va avoir une position haute et une position basse. Ce qu’il faut absolument avoir c’est que le bas du galet en position haute soit aligné avec le bas de la bobine et inversement quand c’est en position basse, que le bas du galet soit aligné avec le haut de la bobine. Or un moulinet c’est un assemblage. Un assemblage de plein de pièces qui, comme toutes les pièces, ne sont pas parfaites. Il y a toujours une micro tolérance et la somme de ces tolérances peut, à l’assemblage, créer des différences de hauteur de placement de la bobine par rapport au rotor et au galet. Alors, en production, on assemble par batch de production les moulinets de façon à ce que cette bobine soit bien placée par rapport au galet. Malgré tout, il peut y avoir des micro différences, et les rondelles servent justement à venir régler ses différences et venir avoir exactement l’enroulement que le pêcheur souhaite. Soit un enroulement parfaitement droit, soit le cas échéant, si le pêcheur veut un enroulement en pyramide inversée ou en pyramide classique, il peut également choisir ça. Mais la fonction première de ces rondelles, c’est de venir ajuster, si besoin, de façon très précise, les micro tolérances d’assemblage. 

Fred :  Donc pour simplifier, plus on va mettre de rondelles, plus on remonte la bobine et plus le fil sera conique ?

Benoit : Exactement. Plus on met de rondelles, plus on aura un fil qui sera en pyramide. Moins on met de rondelles, plus on aura un fil qui sera en pyramide inversée puisqu’on va baisser la bobine relativement à la position du galet et donc mettre plus de fil vers le haut de la bobine.

Fred : Au départ on recherche quand même un enroulement droit ?

Benoit : N’importe quel lancer sera mieux avec un enroulement droit et il aura moins de perruques qu’un enroulement inversé puisqu’avec un enroulement inversé ou un enroulement en pyramide, on va créer un surplus de dépose de fil à un endroit et on va faire chevaucher des spires les unes par rapport aux autres. Et ça peut créer, lors du lancer, une spire de la couche inférieure qui va partir avant la couche supérieure et ça, c’est le début d’une perruque.

Fred :  A éviter ?

Benoit : A éviter forcément !

Fred : On voit la technologie des moulinets aujourd’hui, on arrive quand même à quelque chose de très performant. Est-ce qu’on peut attendre des évolutions, des nouveautés dans les années à venir ? Ce serait encore de la progression ?

Benoit : Alors je pense que le monde du moulinet est plein d’innovations et ça depuis très très longtemps. Il y a je crois, de mémoire, 5000 brevets déposés sur les moulinets quand on va dans la base de brevets des moulinets, donc il y aura certainement d’autres innovations, d’autres améliorations sur la performance des moulinets. Moi personnellement ce que je crois c’est que le moulinet, mais à l’instar de la société et d’autres produits, va redevenir de plus en plus durable et de plus en plus circulaire et je pense que les grosses innovations du futur vont se baser là-dessus. En tout cas, de notre côté c’est ce sur quoi on travaille. C’est de rendre les moyens de plus en plus durables, la durée de vie et la résistance face aux éléments, face à l’usage de nos moulinets. 

Fred : Et plus particulièrement chez Caperlan, qu’est-ce que vous proposez pour la saison 2023 ? 

Benoit : Alors 2023 : on va voir de nouveaux moulinets qui vont arriver aux carnassiers. On a de nouveaux moulinets au-dessus de la gamme 500 qui sont arrivés, au-dessus des Wixom, on va avoir de nouveaux moulinets 100 pour le leurre. Il y a plein de nouveautés qui vont arriver et toujours avec ce souci de conception pour améliorer la résistance et être fité à l’usage. De vraiment répondre au mieux à l’usage. Donc on va avoir pas mal de moulinets carnassiers. On va avoir aussi des moulinets carpes Long Cast. Et on a aussi celui-ci (NDLR : Benoit nous montre un moulinet) qui arrive, et qui n’est pas encore en rayon, l’an prochain et qui va être un moulinet posé, pour la mer, où on a énormément travaillé la résistance justement pour pouvoir résister aux éléments.

Fred : Et aux poissons, parce qu’en mer…

Benoit : Et aux poissons plus puissants aussi en mer et plus gros

Fred : OK bah merci beaucoup 

Benoit : Mais de rien c’était complet. Merci à vous d’être venu au sujet des moulinets 

Fred : Merci à toi

Benoit :  Merci

Laisser un commentaire